Projet AquaBioSens : Évaluation de l'efficacité des protocoles d'isolement de l'ADN génomique des communautés microbiennes du périphyton utilisées pour la surveillance de la qualité de l'eau
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« Les événements de juillet 2021 nous rappellent que les inondations ont été et font toujours partie des risques des riverains de nos cours d’eau. La ville de Liège a été durement touchée dans ses quartiers voisinant la confluence de l’Ourthe. Mais cela aurait pu être beaucoup plus critique sans les infrastructures de « démergement ». Le CEBEDEAU, dans l’article ci-après, donne la parole à Monsieur Jean-Pierre Silan, Conseiller à la direction générale de l’AIDE., en charge du démergement et de l’épuration des communes de la province de Liège. »
Les inondations sont des phénomènes naturels qui ont, de tout temps, façonné le paysage de nos fleuves et rivières et affecté la vie des populations riveraines.
Celles qui ont frappé la Wallonie cet été ont été considérée par le Premier ministre comme étant « sans aucun précédent dans notre pays ».
Ces inondations catastrophiques ne sont ni les premières ni les dernières. Dans la région liégeoise, elles font écho à celles qui ont ravagé la région liégeoise pendant l’hiver 1925-1926.
Que furent ces inondations et quelles sont les mesures qui ont été mises en place alors. Comment les ouvrages ont-ils résisté aux évènements exceptionnels de cet été.
Les crues de 1925-1926 à Liège doivent leur extraordinaire violence aux très importantes chutes de neige qui touchent le pays de la fin du mois de novembre et du début du mois de décembre 1925.
A partir du 19 décembre 1925, les pluies extrêmement abondantes, conjuguées à la fonte des neiges, produisent une crue exceptionnelle de la Meuse et de ses affluents.
A Liège, la crue de Meuse atteint son paroxysme durant la nuit du Nouvel-An. Le centre-ville de Liège est alors inondé car le fleuve est sorti de ses berges. La situation est pourtant bien plus grave en amont de Liège, dans les zones urbaines et industrielles de Flémalle, Ivoz, Jemeppe, Tilleur, Seraing et Ougrée car l’exploitation du charbon en sous-sol y a causé d’importants affaissements des terrains en surface, pouvant atteindre jusqu’à 6 mètres, et a rendu ces zones de plus en plus vulnérables aux crues.
Les dégâts sont considérables. Près de 6.000 maisons ont leur rez-de-chaussée noyé. Plus de mille sont inondées jusqu'au premier étage. Toutes les grandes usines et charbonnages de la plaine sont paralysés durant les nombreux mois nécessaires à la remise en état des installations, ce qui provoque le chômage prolongé de la majeure partie de la population ouvrière. Le commerce est également très durement atteint.
Les conséquences de la crue de 1925-1926 sont telles qu'elles risquaient d'entraîner, à brève échéance, l'exode de la grande industrie, la ruine totale du commerce et la misère pour plus de 150.000 personnes. Les autorités publiques devaient réagir.
Malgré cela, l'exploitation du charbon se poursuit de manière intensive. Elle ne s’arrêtera qu’à la fin des années ’70, pour des raisons économiques.
Après les inondations de 1926, diverses actions politiques et techniques sont déclenchées.
L'Etat belge assure très rapidement la construction de digues puissantes pour contenir les plus fortes crues et entame de lourdes rectifications du fleuve (suppression d'îles et de barrages, dragages, etc.), pour régulariser le régime du fleuve.
Ces travaux se révèlent efficaces car, par exemple, lors des crues de 1995 dont l’ampleur est assez similaire à celles de 1926, la Meuse reste dans son lit, à tout le moins dans sa traversée de la région liégeoise.
Contenir le fleuve entre des digues et abaisser l'axe hydraulique de la crue maximum n'est toutefois pas suffisant pour sauver la région.
En effet, du fait de l’endiguement, les eaux usées résiduaires et les eaux de pluie tombant dans la plaine et celles dévalant des collines environnantes ne peuvent plus s'écouler normalement vers la Meuse, toute communication hydraulique entre le fleuve et la plaine s’avérant impossible.
En plus des protections directes contre les crues du fleuve, il est donc absolument nécessaire de mettre en place un dispositif permettant de maintenir à sec les zones affaissées dont les eaux ne pouvaient plus rejoindre la Meuse naturellement et ce, en tout temps. Le dispositif imaginé alors s’appelle le « démergement ».
Conçu par Monsieur Hector BIEFNOT (1869 - 1936), le projet de démergement se fonde sur une évaluation des affaissements miniers potentiels, sur des niveaux maximums de crue, des profils de pluie de référence et tient compte du phasage de réalisation des digues.
Deux grands principes sont mis en place :
- la collecte des eaux provenant des hauteurs et leur reprise dans des exutoires gravitaires étanches se déversant en Meuse ;
- la collecte des eaux produites dans la plaine alluviale (eaux usées, sources, eaux d’exhaure, eaux de ruissellement, eaux d’infiltration dans les caves) et leur refoulement en Meuse, permanent ou en période de crue, à l’aide de stations de pompage.
La mise en place progressive de ce dispositif repose alors dans les mains des communes, avec une intervention financière significative de l’Etat.
Pour ce faire, les principales communes de l'amont de Liège concernées par les crues constituent en 1928 l’intercommunale (A.I.D., devenue AIDE entretemps) avec pour objet l'exécution, l'entretien et l'exploitation des installations de démergement. La Province de Liège s’associe également à l’intercommunale. D’autres villes et communes concernées la rejoindront plus tardivement. L’AIDE assure donc la conception, la réalisation et l’exploitation des ouvrages de démergement depuis près d’un siècle, à la satisfaction des autorités et des citoyens.
La réalisation des ouvrages de démergement se poursuit encore à ce jour. Le démergement est devenu entretemps une matière régionale, coordonnée et financée par la SPGE.
Le démergement liégeois assure en tout temps, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, la protection des 1.562 ha de zones urbaines vulnérables aux crues et ce, même lorsque la Meuse est à l’étiage. En effet, sans lui, de grandes parties de la plaine alluviale seraient inondées en permanence. C’est toutefois lors d’épisodes de crue spectaculaire que son importance est bien perçue par les autorités et les riverains concernés.
Durant les crues de cet été, le démergement a protégé les riverains et les immeubles qui, sans lui, auraient été ravagés.
Une exception notable doit malheureusement être relevée car le quartier d’Angleur a été inondé par l’Ourthe en crue qui a atteint des niveaux jamais mesurés auparavant.
Il faut rappeler ici l’importance des protections directes : si les digues sont débordées et que la plaine alluviale est noyée, le démergement fonctionne alors « en canard », les eaux étant pompées vers le fleuve qui lui-même alimente les stations de pompage. Dans ce cas de figure, le démergement est inopérant et les pompages doivent être arrêtés.
Les stations de pompage n°9, 10, 11, 12 et 13, qui assurent le démergement d’Angleur, ont été submergées par les eaux de l’Ourthe. Elles ont subi des sérieux dommages qui ont empêché leur relance immédiate. Grâce aux équipes d’exploitation de l’AIDE, ces cinq stations ont rapidement été remises en service, le système étant entièrement rétabli moins d’une semaine après les évènements, parfois à l’aide de solutions provisoires.
Partout ailleurs, le démergement a assuré la protection de :
- 12.935 immeubles d’habitation abritant plus de 30.000 personnes
- 190 établissements à usage économique
- 51 établissements scolaires
- une centaine de bâtiments publics divers (administrations, hôpital, maisons de repos, crèches, bureaux de poste, postes de police, caserne de pompiers, établissements culturels, halls sportifs, châteaux d’eau, stations électriques, cimetières, lieux de culte, etc.).
- 144 km de voiries, dont d’importantes voies d’accès le long de la Meuse, utiles pour la population et les services de secours.
Pour autant qu’une comparaison puisse être faite avec le bilan des dégâts de 1926, le coût des dégâts épargnés par le démergement durant les récents évènements serait au minimum de 900 millions d’euros. Ceci n’inclut évidemment ni le traumatisme social ni les perturbations de l’activité économique qui sont des conséquences indirectes des inondations.
Le coût des infrastructures de démergement et de leur maintien en bon état de fonctionnement est donc largement amorti par la seule survenance d’une inondation de type séculaire.
Il faut tirer les leçons de ces évènements extrêmes qui sollicitent plus durement les infrastructures et souligner :
- l’importance primordiale des protections directes contre les crues de la Meuse et, dans ce cas-ci, de l’Ourthe, gérées les services des cours d’eau navigables de la Région wallonne
- l’apparition rare d’une crue de type séculaire en été qui aurait pu se doubler d’épisodes orageux (comme ce fut le cas en Allemagne) ;
- L’importance de disposer d’une double alimentation électrique de toutes les stations de pompage, de façon à garantir la disponibilité d’au moins une source d’énergie suffisante ;
- La nécessité de maintenir l’accessibilité des ouvrages en cas d’inondation.
Il est essentiel pour l’AIDE de vérifier l’adéquation et la résilience de ses ouvrages face au changement climatique et d’entreprendre, avec ses associés et avec la SPGE, d’importants travaux d’adaptation, de réhabilitation, de rénovation et de modernisation pour permettre au démergement de remplir efficacement et durablement ses missions.
Les autorités régionales devraient s’assurer de l’efficacité des protections directes contre les crues de la Meuse, de l’Ourthe et de la Vesdre dans leur traversée de l’agglomération liégeoise, en tenant compte des effets du changement climatique. Enfin, le financement du démergement doit être garanti pour les investissements importants à consentir dans les prochaines années.
C’est à ce prix que l'AIDE pourra continuer d’assurer sa mission avec efficacité et sérénité.
www.aide.be
Par Jean-Pierre Silan
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